L’air sans lequel la vie n’est pas possible, l’air qu’il faut maîtriser pour chanter, l’air qui fait la chanson. Avec ce nouvel album Ahamada Smis franchit une étape cruciale. Le slameur qui avait l’habitude de chantonner ses refrains, épouse ici les mélodies de bout en bout, mêle son cœur et son âme au souffle qui sort de ses poumons et habite sa voix.
Sur son disque précédent Afro Soul (2018) les sons et les musiques des Comores pétillaient dans les samples autour desquels Ahamada Smis avait construit ses morceaux. Sur Air il est parti des musiques de danses de son cher archipel ou celles des iles voisines pour écrire ses chansons. Aux bataillons de rimes sportives de la tradition hip hop succède l’épure et la concision sensible de vers méticuleusement choisis, assonances et résonances délicates qui épousent les notes de ses mélodies et dessinent ses messages apaisants ou ses constats sans concession.
En voici le sommaire :
Sur La Route, pour conter son histoire de musique et d’amour, il invoque la danse des esprits du rythme du « ngoma za madjini ».
Pour Air libre, où il cherche à conjurer la peur, les masques et l’enfermement dus à la pandémie, il choisit le rythme de transe malgache « mgodro ».
La danse masculine comorienne « chigoma » l’aide à dépeindre la vie difficile d’une enfant nomade sur Mwana.
Le « biduki », la musique des femmes de Zanzibar, rythme les sentiments contradictoires des coeurs ballotés entre deux rives exprimés dans Les yoyos.
Il emprunte ensuite au débé, la danse traditionnelle des femmes des Comores, pour rendre hommage sur Mon Oxygène à sa compagne et ses enfants.
Le « djalico », danse mixte essentielle au déroulement de la tradition comorienne du Grand Mariage, lui sert dans Nos héros à louer les pères martyrs de l’indépendance.
Le « maloya » réunionnais lui sert à décrire les violences policières dans La Bêtise.
Dans Mon Capitaine, aidé par le rythme « biyaya » des fêtes dansées des jeunes comoriens, Ahamada Smis évoque les drames et les dangers qui guettent les migrants, mais aussi l’humanisme de ceux qui leur viennent en aide.
Pour évoquer la dictature et la nécessaire révolte qui doit la combattre, il se sert sur Sambé, du rythme du même nom quatrième étape du « djalico ».
Sur le rythme féminin du "lélémama », qui lui aussi résonne lors du Grand Mariage, Dernière Danse, dénonce le triste état de la terre ravagée par la folie des hommes.
Le dernier air emprunte au twarab de Zanzibar, Ahamada y chante son port d’attache Marseille et souligne la grande diversité culturelle que la ville abrite, tend d’autres micros à l’émouvant chanteur occitan Sam Karpienia et au prometteur Marocain Anass Zine sur Un Sentiment Fort.
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